Le président João Lourenço a une nouvelle fois fait pression sur la Suisse pour qu’elle restitue les quelque 900 millions de dollars bloqués sur les comptes liés à l’homme d’affaires Carlos de São Vicente, condamné en Angola pour détournement de fonds et blanchiment d’argent. Lourenço a appelé au respect des décisions des tribunaux angolais et a critiqué le « manque de collaboration » de la part des pays qui continuent de conserver des valeurs qui, selon le gouvernement, appartiennent à l’État.
Dans son discours sur l’état de la nation, le Président a déclaré que l’absence de mécanismes internationaux efficaces a entravé le recouvrement des avoirs à l’étranger, malgré les progrès nationaux dans la lutte contre la corruption. Lourenço a assuré que l’Angola avait déjà récupéré plus de 7 milliards de dollars, mais a insisté sur le fait que « les condamnations judiciaires sont obligatoires dans tout Etat de droit ».
Dans un entretien avec DW, le juriste Rui Verde analyse les raisons juridiques de la résistance suisse et explique pourquoi les décisions des tribunaux angolais ne prennent pas automatiquement effet à l’étranger. Selon lui, la Suisse exige de prouver de manière indépendante l’origine illicite des fonds, ce qui prolonge l’impasse et laisse l’Angola dépendant des voies politiques et diplomatiques pour tenter de récupérer l’argent.
DW Afrique: La Suisse maintient gelé environ 900 millions de dollars liés à Carlos de São Vicente, malgré une décision du tribunal angolais déterminant la rétrocession de ces avoirs à l’État. Qu’est-ce qui empêche, en pratique, la Suisse de restituer cet argent à l’Angola ? Est-ce une question juridique, politique ou de confiance dans les institutions angolaises ?
Rui Verde (VR): La décision suisse se veut une décision strictement judiciaire. Le Tribunal pénal fédéral suisse estime que la décision du tribunal angolais n’est pas suffisante pour justifier la restitution des fonds, car la Suisse doit elle-même établir l’origine criminelle de ces fonds. Les autorités suisses doivent donc poursuivre leur propre enquête, sans calendrier clair pour une éventuelle restitution. Telle est la position formelle du tribunal suisse.
DW Afrique : L’Angola affirme que ses peines doivent être exécutées « dans le cadre d’un Etat de droit qui se respecte ». Quelle valeur juridique ces décisions ont-elles à l’extérieur du pays ? Peuvent-ils être automatiquement reconnus en Suisse ou faut-il là-bas une nouvelle démarche pour valider le retour ?
VR: A ce stade, les mécanismes et traités multilatéraux n’auront aucun effet, car il existe une décision de justice suisse. La seule chose qui puisse avoir un effet est la pression politique et diplomatique angolaise pour inverser cette situation. Il convient de souligner, par exemple, dans le cas anglais, que les autorités anglaises ont automatiquement restitué l’argent à l’Angola, sans aucun problème – ce fut le fameux cas des 500 millions de dollars de José Filomeno dos Santos. Il convient, d’autre part, de rappeler que l’Angola, lors du procès pour corruption de Manuel Vicente au Portugal, a exercé une forte pression diplomatique et politique très publique contre le Portugal, ce qui a conduit les autorités portugaises à séparer les processus et à envoyer le cas de Manuel Vicente à Luanda.
DW Afrique : Face à l’impasse actuelle, quelles voies l’Angola pourrait-il suivre pour parvenir au rapatriement de ces fonds ? Existe-t-il des mécanismes multilatéraux – tels que des traités de coopération judiciaire, des accords bilatéraux ou des actions civiles devant les tribunaux suisses – qui pourraient débloquer la décentralisation ?
VR: Je ne vois pas qu’il y ait d’autre solution pour l’Angola que le recours à la pression politique et diplomatique, ainsi qu’à des mécanismes au-delà du droit international qui, comme nous le savons, est une loi imparfaite, car elle n’a pas de sanction si les pays ne le veulent pas et, par conséquent, ne résout rien. Par conséquent, soit nous nous trouvons dans une impasse jusqu’à ce que les autorités suisses décident quelque chose, soit João Lourenço doit utiliser d’autres formulations, mais de nature politique et avec une forte pression, s’il veut récupérer l’argent.
On voit que la Suisse ne reconnaît pas automatiquement les décisions angolaises et affirme en substance qu’un nouveau processus suisse mené par les organisations suisses est nécessaire pour parvenir à une conclusion. Le fait est que ce processus en Angola a déjà commencé il y a plusieurs années. Carlos São Vicente est déjà en quatrième ou cinquième année de prison et les Suisses n’ont toujours pas de décision. Et il y a ici une certaine étrangeté, comme cela est évident, en supposant que s’il existe un pays efficace avec une enquête pénale efficace, c’est bien la Suisse.
