Lam dans les turbulences: la double position de Dane Kondic

MAMA : "La corruption est devenue institutionnalisée au Mozambique"

Le comité de direction et le conseil d’administration de Linhas Aéreas de Moçambique ont suspendu le directeur financier et quatre cadres supérieurs, après un prétendu détournement de 48 millions de meticais (environ 650 mille euros) à travers de fausses factures pour des services de traduction.

Un audit indépendant a révélé qu’une société écran avait gonflé les coûts en détournant les fonds vers les employés des services juridiques et financiers. L’affaire bénéficie du soutien du gouvernement et du président Daniel Chapo, qui défend la moralisation des entreprises publiques. L’enquête se poursuit et pourrait conduire à des poursuites pénales.

Dans une interview accordée à DW, l’analyste Ernesto Júnior déclare ne pas être surpris : il considère que la corruption au Mozambique est institutionnalisée, en raison de la fragilité des institutions et du manque de responsabilisation des criminels.

DW Africa : Comment interprétez-vous le prétendu détournement de 48 millions de meticais à travers de fausses factures chez LAM ? Que nous apprend cet épisode sur la situation actuelle des entreprises publiques au Mozambique ?

Ernesto Junior (EJ): Il s’agit d’un grave problème de corruption, et la corruption provient de plusieurs facteurs. L’un des facteurs en cause est le manque de transparence et le responsabilitéc’est-à-dire la responsabilité.

Cependant, nous réalisons que la corruption au Mozambique est devenue institutionnalisée. Nous avons des institutions très faibles, nous avons des personnes ou des élites qui sont directement liées au cas du LAM. D’où le manque de responsabilité des contrevenants. Et cela révèle une chose fondamentale, surtout dans les États africains, notamment au Mozambique, c’est la question de l’institutionnalisation.

Au Mozambique, nous avons des institutions faibles et, lorsque nous avons des institutions faibles, la corruption finit par gagner plus de pouvoir. C’est le gros problème du Mozambique. Nous devons renforcer nos institutions, en particulier les institutions judiciaires.

Et une autre composante, le Bureau du Procureur général (PGR). Parce que le PGR a le monopole de l’action pénale. Si le PGR, puisque ce délit de corruption est un délit public, devrait déjà intervenir dans l’affaire. Cependant, nous l’avons suivi dans les médias, mais les véritables coupables, ceux que sont les grands requins, ne sont jamais retrouvés.

DW Afrique : Cette affaire vous surprend-elle ou considérez-vous que des situations comme celle-ci sont devenues presque prévisibles ?

EJ : Ils ne me surprennent pas. Juste pour comprendre, mercredi (22h10) a eu lieu l’ouverture de la séance formelle au niveau de l’Assemblée de la République et l’une des questions que nous avons posées au gouvernement était celle du LAM et de notre compagnie aérienne, qui déshonore de plus en plus le peuple mozambicain. C’est comme un cartel criminel. C’est un cancer qui s’est installé au ministère des Transports. Je ne suis donc pas surpris et je pense qu’il y aura encore d’autres scandales.

Mais comment éviter cela ? Si l’on y regarde bien, plusieurs auteurs parlent déjà des ennemis de la corruption. Les ennemis de la corruption sont des institutions fortes, la transparence, la responsabilité et une chose fondamentale : l’institutionnalisation de la réputation. Tant que les gens se rendront compte qu’être honnête au Mozambique est désavantageux, la corruption persistera.

DW Afrique : Sachant que le président Daniel Chapo a publiquement soutenu la restructuration de la LAM, considérez-vous que cette affaire, cette opération de nettoyage, si on peut l’appeler ainsi, pourrait représenter un véritable tournant dans la manière dont l’État considère la corruption et la gestion de ses entreprises ?

EJ : Le Président a beau faire preuve de bonne volonté, les réformes publiques se heurtent toujours à de la résistance. La réforme publique ne devient efficace que lorsqu’elle s’accompagne de transparence et d’institutions fortes.

Car, même si le président veut procéder à un ratissage, si la corruption s’installe, il n’aura pas beaucoup de succès. Le Président parle d’un point de vue formel, mais il y a une grande distance entre le formalisme et la pratique. Nous voulons voir ces décisions du président se mettre en pratique. En d’autres termes, le président a déjà confirmé qu’il y avait de la corruption – depuis le début de son mandat, au début de l’année il l’a déjà confirmé au LAM – mais à ce jour, personne n’a encore été détenu préventivement. C’est compliqué.

Donc, une chose est le discours politique, une autre chose est la pratique. Nous voulons des résultats concrets, que ceux qui ont dilapidé les fonds publics, en particulier au LAM, soient tenus pénalement responsables, car c’est seulement ainsi que nous pourrons empêcher d’autres, ou de nouveaux auteurs, de le faire. Donc, une chose est le discours, mais une autre chose est la pratique, qui n’a pas encore eu lieu.