Les statistiques des garde-côtes tunisiens font état de nouvelles données : une forte augmentation du nombre de non-Tunisiens sur les routes migratoires vers l’Europe – 78% cette année, contre 59% l’année dernière.
Hager Ali, chercheur à l’Institut allemand d’études mondiales, a déclaré à DW que cette variation reflète la situation politique de pays comme le Burkina Faso, le Mali, la Guinée-Conakry, la Côte d’Ivoire, le Soudan, l’Érythrée et la Libye.
« Ce sont des pays qui, au cours des deux dernières années, ont connu une multiplication des coups d’État militaires et une instabilité politique et économique, une violence extrême, des persécutions, des déplacements internes… Beaucoup ont quitté ces pays, sont allés en Tunisie, s’y sont installés et y ont travaillé pendant quelques années. temps », explique-t-il.
Des millions de l’UE pour freiner la migration
Selon les données du ministère italien de l’Intérieur, environ 146 000 personnes sont arrivées en Italie à bord de petites embarcations entre janvier et novembre, ce qui représente une augmentation de 65 % par rapport à 2022.
En juin, la Commission européenne a proposé au président tunisien Kais Saied un « pacte migratoire » visant à endiguer le flux de migrants vers l’Europe.
A l’époque, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait promis jusqu’à 900 millions d’euros d’aide à la Tunisie, dont une partie servirait à contenir l’immigration irrégulière, comme l’explique Heike Löschmann, directrice du bureau de Tunis. de la Fondation Heinrich Böll.
Elle précise qu' »il n’existe jusqu’à présent qu’un seul protocole d’accord, non contraignant, qui établit cinq domaines de coopération, comme la transition énergétique ou l’éducation, avec un seul pilier qui traite directement de la migration ».
Le pacte migratoire mal vu en interne
Heike Löschmann admet également que la proportion de Tunisiens parmi les arrivées en Europe a diminué de moitié « parce que le nombre de migrants en provenance d’autres pays, notamment d’Afrique subsaharienne, a énormément augmenté ».
Mais cet accord entre la Commission européenne et Tunis n’est pas bien perçu en interne, l’opinion publique tunisienne se montrant peu réceptive à assumer des responsabilités pour contenir la migration vers l’Europe.
Les conditions des migrants en Tunisie se sont également détériorées cette année.
En février, le président Saïed a déclenché une vague de violence contre les migrants noirs, affirmant qu’ils menaçaient de transformer la Tunisie « arabo-musulmane » en un pays « africain ».
En revanche, le chef de l’Etat tunisien a un électorat à conquérir : en novembre 2024, le pays se rendra aux élections. Et l’immigration et la mauvaise gestion de la crise économique pourraient coûter à Kais Saied le soutien du public, notamment parmi les jeunes.