Les insurgés devraient-ils ou non avoir une voix dans le dialogue national ?

Les insurgés devraient-ils ou non avoir une voix dans le dialogue national ?

Au Mozambique, le gouverneur de Cabo Delgado a appelé ce vendredi (10h10) les groupes insurgés qui déstabilisent la province à profiter du Dialogue National Inclusif comme espace pour exprimer leurs revendications.

La proposition de Valige Tauabo divise les opinions dans le pays. Certains défendent l’ouverture au dialogue comme chemin vers la paix, mais d’autres considèrent qu’il est inacceptable de négocier avec ceux qui sèment la terreur et la mort.

Après qu’un groupe de terroristes ait prononcé un sermon dans une mosquée de Mocímboa da Praia, chef-lieu du district, devant plusieurs fidèles, le gouverneur de Cabo Delgado a effectué une brève visite dans la région la semaine dernière.

L’objectif du voyage, comme l’a expliqué Valige Tauabo, était d’exprimer sa solidarité avec la population victime du terrorisme et d’inviter le groupe armé à se joindre au dialogue national en cours dans le pays, pour présenter formellement ses revendications, en vue de mettre fin à la déstabilisation du nord du Mozambique.

« Maintenant, nous avons l’opportunité, avec ce dialogue national et inclusif, de l’amener ici (à la table), pour voir où est le problème. S’il y a ceux qui se sentent blessés par quelque chose, alors il est temps d’avoir ce dialogue dans lequel tous les Mozambicains, s’ils sont Mozambicains, mettent ces questions à la table, pour être compris et nous pouvons trouver un terrain d’entente pour que nous soyons tous unis », a-t-il dit.

Le gouverneur a souligné qu’il était possible d’écouter les motivations de chacun, même des insurgés étrangers, afin de « cesser de faire souffrir la population », selon ses propres termes.

Une société divisée

L’appel de Valige Tauabo aux groupes armés a suscité des réactions diverses dans le pays. Si certains soutiennent l’ouverture au dialogue, d’autres rejettent totalement la possibilité de négociation.

La militante sociale Fitina Gomes fait partie de ceux qui s’opposent à l’idée d’inclure les terroristes dans le dialogue national, responsables, depuis huit ans, de morts, de destructions et de déplacements forcés de populations à Cabo Delgado, Nampula et dans la province de Niassa.

« Samora Moisés Machel a dit qu’on ne négociait pas avec les terroristes », rappelle une idée du premier président du Mozambique indépendant.

Pour Gomes, « on a vu ces derniers temps que les terroristes ne sont pas prêts au dialogue. Ils ont leur idéologie, qui est de tuer, de créer la terreur. Donc, avec cette ouverture du dialogue, je vois que ce n’est pas comme ça qu’il faut combattre les terroristes ».

De son côté, le militant civique Aly Hassane est d’accord avec l’initiative de dialogue, rappelant que la volonté du gouvernement de négocier avec les insurgés n’est pas nouvelle. Hassane cite par exemple les différents appels lancés par l’ancien président de la République, Filipe Nyusi, pour que les terroristes retournent dans leurs communautés.

« L’idée du dialogue n’est pas fausse, mais je pense que la plate-forme que propose le gouverneur n’est peut-être pas idéale, car elle me semble en particulier vouloir résoudre un problème spécifique avec la crise de 2024, qui a à voir avec la question des élections et des réformes dont l’État a besoin », considère-t-il.

Pour Aly Hassane, il est nécessaire de créer une plateforme plus adaptée pour faciliter les échanges avec les groupes armés : « Nous devons accepter que, huit ans plus tard, la lutte contre le terrorisme par les moyens armés ne donne pas les résultats souhaités ».

Et le militant Hassane souligne également que « même la stratégie de lutte contre le terrorisme elle-même suppose déjà qu’elle doit impliquer plusieurs acteurs et ne pas seulement recourir à la force armée ».

Selon la militante Fitina Gomes, « les autres pays ne négocient pas avec les terroristes, parce que le terroriste est une personne extrêmement dangereuse pour un pays ou une certaine région, donc je ne pense pas qu’il soit juste de créer cet espace de dialogue ».

Gomes défend la poursuite des opérations militaires comme moyen de restaurer la paix à Cabo Delgado : « La manière de combattre les terroristes est de les expulser de notre territoire, afin que nous, Mozambicains, puissions vivre libres et en sécurité ».

Ce week-end, lors d’une visite dans la municipalité de Palma, le gouverneur de Cabo Delgado, Valige Tauabo, a assuré que l’État préparait une nouvelle stratégie pour contenir les attaques des groupes terroristes et renforcer la sécurité dans la région.

« Gardons notre foi. La stratégie pour notre sécurité est en train d’être élaborée pour que nous ayons la meilleure sécurité. »