La pression monte pour réformer la CEDEAO

La pression monte pour réformer la CEDEAO

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est confrontée à l’une de ses pires crises. La situation s'est aggravée avec l'annonce du retrait des trois pays du Sahel, à savoir le Mali, le Niger, le Burkina Faso, qui accusent l'organisation d'avoir failli à sa mission.

Le Sénégal a rejoint cette liste des mécontents. Le nouveau président Bassirou Diomaye Faye, qui se considère comme un panafricaniste, réfléchit déjà aux réformes de la CEDEAO.

S'adressant à DW, le politologue nigérian Dicko Abdourahamane défend également la nécessité d'un changement. Car si rien n’est fait face à la situation actuelle de l’organisation, cela pourrait conduire à sa « disparition systématique ».

« Dans le contexte actuel où les Etats africains commencent à envisager une nouvelle vision, parfois de la conception même des Etats républicains, je pense que la refondation de la CEDEAO ne sera possible que si ces Etats s'unissent et s'impliquent véritablement dans ce sens. « .

Pour le militant guinéen Carlos Pereira, une vision panafricaniste peut conduire à l'émancipation de la région : « Si nous voulons suivre les agendas de ces pays, nous devons changer les régimes. Les peuples des autres pays de la communauté doivent choisir un projet politique qui soit conforme aux nouvelles exigences de l'Afrique, notamment aux nouvelles exigences de la région », affirme-t-il.

Le journaliste Hamidou Sagna alerte cependant sur la nécessité pour d'autres Etats de suivre l'exemple de la démocratie sénégalaise. « Si on met le concept de démocratie en premier et le concept d'économie en second, si on arrive à faire ce lien, je pense qu'on peut imaginer une CEDEAO réformée et absolument solide au service des Etats et des populations », commente le Sénégalais.

Retour à la CEDEAO ?

Le panafricaniste Carlos Pereira pense qu'il est possible de convaincre le Mali, le Niger et le Burkina Faso de rejoindre l'organisation et de mettre en œuvre une vision plus centrée sur la sous-région. Mais le politologue nigérien Dicko Abdourahamane estime que ce sera une tâche très difficile puisque les trois pays, gouvernés par la junte militaire, ont créé une alliance alternative, baptisée Alliance des États du Sahel (AES).

« Si le Niger, le Burkina Faso et le Mali acceptaient de revenir, ils tourneraient le dos à ce nouveau projet politique, créé pour résoudre l'échec de la CEDEAO. Ces pays accepteront peut-être de revenir, mais ce sera au nom de l'AES », dit Abdourahamane.

Le journaliste sénégalais Hamidou Sagna pointe également la difficulté de convaincre les trois Etats de revenir dans la CEDEAO.

« (Les trois) ont apprécié le fait que les nouvelles autorités sénégalaises aient une opinion positive d'eux, et forcément il peut y avoir des points de convergence, mais je pense qu'il sera très difficile que ces points de convergence aboutissent à un retour définitif de ces pays à la CEDEAO. »

Nouvelle monnaie communautaire ?

Parmi les réformes souhaitées par le nouveau président du Sénégal figure également la création d'une monnaie nationale en remplacement du franc CFA, utilisé dans les anciennes colonies françaises.

La CEDEAO a un projet de lancement d'une monnaie unique pour la communauté, baptisée « ECO ». Mais « si l'on regarde les ambitions politiques de la Cedeao, c'est un projet très instable et on comprend aisément que l'ECO ne sera pas très loin du faible CFA », comprend Dicko Abdourahamane.

L'analyste nigérien estime donc qu'il est nécessaire de créer une banque centrale, afin que les Etats puissent être plus indépendants.

Carlos Pereira commente que changer de monnaie par pays ne sera pas durable pour la communauté : « Nous ne pouvons pas penser que nous allons avancer individuellement, nous devons avancer en bloc et créer une monnaie unique qui dignifiera davantage la zone ».

Approche de la Russie

Un autre point est que les trois pays qui ont décidé de quitter l’organisation en invoquant, d’une part, l’influence occidentale, c’est-à-dire celle de pays appartenant à la sphère de l’OTAN, se rapprochent de plus en plus de la Russie. Moscou a récemment fourni du matériel militaire au Burkina Faso, confronté depuis plusieurs années au terrorisme.

Carlos Pereira rappelle que « la Russie bénéficie de ce rapprochement avec l'Afrique et l'Afrique doit savoir profiter de ce rapprochement et (sortir) de cette dépendance à l'égard de l'Occident ».