Des milliers de jeunes Kenyans manifestent contre les augmentations d'impôts

Des milliers de jeunes Kenyans manifestent contre les augmentations d’impôts

Armés de smartphones et de sifflets, des milliers de jeunes Kenyans sont descendus dans les rues du pays jeudi pour protester contre les augmentations d’impôts, retransmettant en direct les manifestations, une démonstration éclatante de la colère des citoyens de la génération Z contre le gouvernement.

La police de la capitale, Nairobi, a tiré des gaz lacrymogènes et des canons à eau sur les manifestants près du Parlement, mais hormis des affrontements isolés plus tôt dans la journée et certains groupes ayant incendié des pneus et des panneaux routiers à la tombée du crépuscule, les manifestations se sont poursuivies pour la plupart dans le calme.

Menées en grande partie par de jeunes Kenyans, les manifestations – surnommées « Occupy Parliament » – ont débuté mardi à Nairobi avant de s’étendre à tout le pays jeudi.

Les manifestations ont galvanisé un mécontentement généralisé à l’égard de la politique économique du président William Ruto, dans un pays déjà aux prises avec une crise du coût de la vie. Les manifestants se sont tournés vers TikTok, Instagram et X pour planifier et diffuser en direct les manifestations.

Des manifestants brandissent des pancartes lors des manifestations contre les augmentations d’impôts, alors que les députés continuent de débattre du projet de loi de finances 2024, à Kisumu, dans l’ouest du Kenya, le 20 juin 2024. (Photo de Brian ONGORO/AFP)

Quelques heures après l’action de mardi, qui a vu des centaines de jeunes affronter la police, le gouvernement, à court d’argent, a accepté de revoir plusieurs des augmentations d’impôts stipulées dans une nouvelle loi.

Mais le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant avec certaines augmentations d’impôts, arguant que les taux proposés sont nécessaires pour remplir ses caisses et réduire la dépendance à l’égard des prêts extérieurs.

Des manifestations ont eu lieu jeudi dans tout le Kenya, avec des milliers de personnes rassemblées à Nairobi, à Mombasa, dans l’océan Indien, à Nakuru, dans la vallée du Rift, et à Kisumu, fief de l’opposition, selon des journalistes de l’AFP et des images diffusées à la télévision.

À Nairobi, des affrontements isolés ont eu lieu entre des manifestants et la police, qui a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau contre les manifestants rassemblés près du Parlement, qui a commencé à débattre du projet de loi mercredi.

Malgré la forte présence policière et la fermeture de plusieurs routes menant au Parlement, des milliers de manifestants se sont rassemblés en groupes, sifflant et vuvuzelas, chantant l’hymne national et scandant : « Ruto doit partir ».

Margaret, 23 ans, à la recherche d’un emploi, a déclaré à l’AFP qu’elle était « fatiguée qu’on lui mente » et qu’elle soit considérée comme une « guerrière du clavier » par le pouvoir.

« La génération Z, nous sommes la voix du peuple. Et c’est quelque chose à quoi ils ne sont pas habitués, c’est pourquoi on nous appelle des guerriers du clavier, mais je pense qu’ils en sont aussi terrifiés », a-t-elle déclaré.

Un manifestant scande des slogans entouré de gaz lacrymogènes lors d'une manifestation contre les augmentations d'impôts, alors que les députés votent le projet de loi de finances 2024 dans le centre de Nairoibi le 20 juin 2024.

Un manifestant scande des slogans entouré de gaz lacrymogènes lors d’une manifestation contre les augmentations d’impôts, alors que les députés votent le projet de loi de finances 2024 dans le centre de Nairoibi le 20 juin 2024.

« Faites ce qui est juste »

Un autre manifestant, Fidelis Njoroge, a déclaré qu’il était allé en direct sur Instagram parce qu’il voulait faire connaître les manifestations.

« La prochaine fois que nous sortirons, nous sortirons de plus en plus nombreux », a déclaré à l’AFP l’étudiant universitaire. « Nous sommes ici pour faire ce qu’il faut, nous ne sommes pas là pour semer le chaos, nous sommes juste là pour être entendus. »

Mardi, la présidence a annoncé la suppression des taxes proposées sur l’achat de pain, la possession de voitures et les services financiers et mobiles, incitant le Trésor à mettre en garde contre un déficit de 200 milliards de shillings suite aux coupes budgétaires.

Le gouvernement entend désormais augmenter les prix du carburant et les taxes sur les exportations pour combler le vide laissé par les changements, une mesure qui, selon les critiques, rendra la vie plus chère dans un pays déjà aux prises avec une forte inflation.

« Ils essaient de nous mentir. Les taxes qu’ils ont supprimées sur le pain ont été ajoutées à d’autres taxes », a déclaré Bella, une manifestante de 22 ans, décrivant cela comme une tactique visant à « bander les yeux » aux citoyens.

« Nous sommes en train de mourir, nous ne pouvons pas nous permettre de manger trois repas par jour. Nous ne mangeons pas trois repas par jour. Quels avantages obtenons-nous de lui ? Pourquoi devrions-nous le respecter ? Ruto devrait partir », a déclaré Jack Ouma. 28 ans.

Vote fin juin

Une source parlementaire a indiqué à l’AFP que le vote final sur les propositions est prévu le 27 juin, trois jours avant la date limite d’approbation du projet de loi.

Les impôts devraient permettre de lever 346,7 milliards de shillings (2,7 milliards de dollars), soit l’équivalent de 1,9% du PIB, et de réduire le déficit budgétaire de 5,7% à 3,3% du PIB.

Au moins 335 personnes ont été arrêtées lors des manifestations de mardi à Nairobi, selon un consortium de groupes de pression, dont la commission des droits de l’homme, la KNCHR et Amnesty Kenya.

Le Kenya est l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Est, mais un tiers de ses 51,5 millions d’habitants vit dans la pauvreté.