CEDEAO : les divisions autour des coups d'État pourraient bouleverser le sommet

CEDEAO : les divisions autour des coups d’État pourraient bouleverser le sommet

Dimanche 10 décembre, la capitale nigériane, Abuja, accueille un sommet des dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La rencontre se déroule dans un contexte de tensions dans la région.

Les coups d’État au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée-Conakry, ainsi que les sanctions contre ces pays, promettent de marquer l’agenda de la CEDEAO au sommet d’Abuja, ce dimanche (10h12) – et les premières divergences entre les Etats membres peuvent découler de ces problèmes.

Pour l’heure, il est au moins un pays qui n’hésite plus à adopter une attitude plus flexible envers les putschistes : le Togo. En octobre, par exemple, Lomé a organisé un forum sur la paix et la sécurité, invitant des représentants de trois pays dirigés par des militaires putschistes : le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Le Niger, dont le chef, le général Abdourahmane Tiani, a pris le pouvoir par la force, était annoncé à Lomé pour une visite « d’amitié et de travail » à la veille du sommet de la CEDEAO.

Intérêts politiques et économiques

Une action qui ne surprend pas le politologue Mounkaïla Mossi. Pour l’analyste, outre les raisons politiques, des intérêts économiques sont également en jeu. « Tout le monde essaie de profiter de la crise. Le Niger peut être un partenaire clé pour le Togo », d’autant plus qu’il y a une crise entre le Niger et le Bénin, explique-t-il.

« Le Bénin est un partenaire fondamental en matière d’exportation de marchandises vers le Niger, via le port de Cotonou », souligne Mossi, mais depuis la crise, « le Togo profite de la situation, car les marchandises passent par Lomé au lieu de Cotonou ».

Alors que le Niger et d’autres pays en transition après des coups d’État seront sans doute à nouveau débattus à Abuja, l’activisme diplomatique du Togo sur cette question continue de poser question, d’autant qu’au sein de la CEDEAO, certains pays ont adopté une position intransigeante à l’égard des putschistes. – c’est le cas du Bénin par rapport au Niger voisin.

Mais il y a aussi le Nigeria, géant de la sous-région, qui reste ferme sur ses positions face aux putschistes.

Une position « non viable »

L’activisme togolais a permis la libération de soldats ivoiriens détenus au Mali en janvier dernier et a aidé une délégation de la CEDEAO à rencontrer le président nigérien déchu Mohamed Bazoum en août, mais la position de Lomé vis-à-vis des régimes putschistes n’est pas viable, selon l’expert en gouvernance et président de l’Institut Tamberma pour la gouvernance, Paul Ameganpko.

« Il est clair qu’il existe actuellement une division, des positions contradictoires entre certains Etats membres de la CEDEAO », explique-t-il, dans un entretien à DW, soulignant que « le Togo fait partie de ces pays qui estiment nécessaire de négocier » les règles communautaires qui condamnent et sanctionner les coups d’État.

Selon lui, la stratégie de Lomé sur ces questions « affaiblit la CEDEAO ». La position du Togo « est irréalisable, car il faut appliquer les règles communautaires et les transitions continuent d’être des transitions », estime l’expert.

Paul Amegankpo attire l’attention sur les risques de crises que pourrait générer à l’avenir une mauvaise gestion des transitions, rappelant que les positions de pays comme le Bénin et le Nigeria, qualifiés de rigides, reposent davantage sur la légalité.

Le Niger, comme le Burkina Faso et le Mali, actuellement suspendus de l’organisation, ne devraient pas être présents à Abuja. Les trois pays confrontés à une « crise jihadiste » se sont récemment réunis pour former l’Alliance des États du Sahel.