Il reste encore environ un an et demi avant les prochaines élections générales en Angola, mais la course à la direction du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) se déroule déjà en coulisses. « Et de quelle manière », dit le politologue Agostinho Sikatu, directeur du Centre de débats et d’études académiques, à Luanda.
Selon Sikatu, le MPLA, ainsi que d’autres partis traditionnels en Angola, n’acceptent pas les voix dissidentes. Un exemple en est la récente expulsion du « camarade » Valdir Cónego, qui avait osé critiquer publiquement le président João Lourenço.
« L’expulsion de Valdir Cónego du MPLA représente la volonté d’un groupe qui a succédé au Président João Lourenço pour satisfaire ses intérêts. C’est le même groupe qui avait succédé au Président José Eduardo dos Santos. Et ce groupe ne permet pas de voix opposées au sein de l’organisation. Tout appel à l’attention d’un membre est interprété comme un affront à la direction, et le membre qui le fait court le risque d’être immédiatement destitué. Dans le cas de Valdir Cónego, il s’agissait d’une expulsion. Mais là sont des cas de signature de personnage. Un groupe est créé pour discréditer tout ce que dit cette personne.
La tactique du MPLA « a tendance à échouer »
Un autre analyste interrogé par DW sur le sujet, Celestino Lumbungululo, de l’Instituto Médio Politécnico (IMD) « Luz do Saber », confirme la thèse selon laquelle le MPLA tente de faire taire les voix critiques en interne. Cependant, déclare-t-il : cette tactique a tendance à échouer.
« Le MPLA ne pourra pas faire taire les voix critiques. Des voix contradictoires continueront à émerger. Je considère que les mesures que prend le MPLA ne sont pas bonnes. Il serait important que le parti s’assoie à la table et discute avec tous les acteurs, de cette façon nous aurions une voix beaucoup plus percutante dans le parti », affirme Lumbungululo.
Dans ce contexte, deux autres voix en désaccord avec la ligne officielle du MPLA se font entendre, à savoir celles du général Higino Carneiro et d’António Venâncio.
« António Venancio et Higino Carneiro sont ceux qui se présentent aujourd’hui comme des alternatives à la direction du MPLA. Higino Carneiro apparaît comme un successeur potentiel de João Lourenço au prochain congrès. S’il parvient à atteindre le congrès et à se présenter à la présidence du parti, la course pourrait être assez serrée. António Venâncio est l’une des figures crédibles et acceptées, malgré tout le scénario créé pour le discréditer. »
João Lourenço recherche « delfim »?
Quelle tactique le MPLA a-t-il choisi pour se maintenir au pouvoir dans une situation politique et sociale qui s’annonce très difficile ? Selon Agostinho Sikatu, João Lourenço et l’aile dirigeante du MPLA qui le soutient pourraient se sentir enclins à installer un soi-disant « delfim », comme tête de liste du MPLA, et donc comme candidat à la présidence de la République, en gardant João Lourenço à la tête du parti, compte tenu du fait que Lourenço est constitutionnellement empêché de briguer un troisième mandat à la tête de l’État.
« En Angola, dans la plupart des partis politiques, le président du parti est automatiquement candidat à la présidence de la République aux élections. Le MPLA a apporté un changement lors du précédent congrès extraordinaire, qui prévoit que le président du parti n’est pas nécessairement le candidat à la présidence de la République. Par conséquent, le plan est de créer une bicéphalie, de maintenir João Lourenço dans la structure du pouvoir. Si finalement le candidat que le parti désigne remporte les élections, il, en tant que leader du parti, pourra diriger le pays à travers le parti. Le président du parti aura pratiquement le pouvoir sur le président de la République », explique Sikatu.
Celestino Lumbungululo partage l’analyse d’Agostinho Sikatu. João Lourenço tentera de garder les rênes en main, en confiant la présidence de la République à un homme (ou une femme) en qui il a confiance, mais en continuant à « tirer les ficelles » à travers le parti MPLA. Lumbungululu estime cependant qu’une telle procédure de la part du président de la République serait illégale.
« En termes de limites de mandats, João Lourenço est également limité à un troisième mandat. Dans cet aspect, João Lourenço ne peut pas rester à la tête, que ce soit à la direction du MPLA ou de la République d’Angola. Le MPLA doit créer une démocratisation interne de son propre parti », affirme Lumbungululo.
Toutes ces équations, selon l’analyste Agostinho Sikatu, ne fonctionneront que si le MPLA parvient à remporter les élections, une tâche qui ne semble pas très facile compte tenu du scénario économique et social jugé désastreux par de nombreux observateurs.
Et si le MPLA ne gagnait pas les élections de 2027 ? « Si le MPLA ne remporte pas les élections, cette équation pourrait coûter très cher. Dans ce cas, João Lourenço ne pourra pas contrôler l’autre candidat », conclut Agostinho Sikatu.
