Cabo Delgado: Total refuse la violation des accords, les gens soupçonnent

TotalEnergies : Pression ou chantage sur le Mozambique ?

Il y a environ une semaine, la compagnie pétrolière française TotalEnergies a annoncé, par voie de presse, la levée de la clause de « force majeure » et la reprise du projet de Gaz Naturel Liquéfié dans le district de Palma, à Cabo Delgado, au nord du Mozambique.

L’entreprise a imposé plusieurs conditions pour redémarrer ses activités dans la région : sécurité renforcée, exonération fiscale et prolongation du contrat de concession pour 10 ans supplémentaires.

Le gouvernement mozambicain a toutefois été surpris par la manière dont TotalEnergies a communiqué la levée de la clause de « force majeure ».

Ce qui était initialement perçu comme une bonne nouvelle et largement célébré sur les réseaux sociaux n’a finalement pas plu à l’exécutif dirigé par Daniel Chapo.

Le porte-parole du gouvernement, Inocêncio Impissa, a déclaré ce mardi (28 100) que la communication de TotalEnergies aurait dû être faite officiellement, à travers une lettre adressée au Président de la République.

« Dans un contexte réservé, adressé directement à Son Excellence le Président de la République. Nous avons également été surpris par une lettre qui a circulé sur les réseaux sociaux. Nous répudions ce format, car le moyen le plus approprié serait de communiquer à travers les canaux dûment établis à cet effet », a déclaré Impissa lors d’une conférence de presse.

Faire pression sur le gouvernement

Qu’est-ce qui a pu motiver cette prise de position de TotalEnergies ? Le sociologue Anastácio Tijo considère qu’il s’agit d’une stratégie de pression. « TotalEnergies a essayé d’anticiper le discours et de gagner le soutien de l’opinion publique internationale, en se présentant comme une entreprise transparente et soucieuse de la communauté ».

Le journaliste et chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) d’Afrique du Sud, Borges Nhamirre, partage la thèse de Tijo, ajoutant que « TotalEnergies fait pression sur le gouvernement pour qu’il accepte les exigences qu’il a imposées pour la reprise du projet gazier à Afungi ».

Pour Anastácio Tijo, cette attitude représente une démonstration de force et de pouvoir, « dans des contextes où les multinationales opèrent dans des pays aux institutions fragiles ».

Exigences de TotalEnergies

La décision de TotalEnergies de reprendre ses activités à Cabo Delgado était accompagnée d’une série d’exigences : la permanence des troupes rwandaises dans la région pendant 10 ans, des exonérations fiscales et une prolongation du contrat de concession pour une décennie supplémentaire, afin de compenser les pertes estimées à environ 3,870 millions d’euros, résultant de la suspension du projet pendant quatre ans.

L’économiste Egas Daniel considère la proposition de prolongation de 10 ans comme exagérée. Selon vous, cinq ans serait plus raisonnable.

« La suspension constituait une interruption des opérations. Elle n’a probablement pas causé de retards importants, mais, si tel est le cas, il faut expliquer quel a été l’impact réel sur la capacité d’avancer du projet, ce qui justifie une prolongation au-delà de la période d’interruption », estime Daniel.

Renégociation

Egas Daniel n’est pas optimiste quant à la capacité du gouvernement mozambicain à renégocier les conditions imposées par le gouvernement français.

« Parce que d’une part c’est notre sécurité qui n’a pas réussi à déclencher la force majeure », d’autre part parce que nous avons les yeux rouges en attendant que ce gaz commence à être exploré. Ce qui signifie que nous sommes en termes de dépendance et d’attentes avec moins de pouvoir de négociation, parce que nous sommes plus en détresse », observe l’économiste.

Conscient de cette fragilité, l’économiste estime que TotalEnergies pourrait recourir à une stratégie de chantage.

« Il profite du moment de pression fiscale et macroéconomique (au Mozambique) pour maximiser ses bénéfices, à la fois en prolongeant la période de concession, en déduisant les coûts associés à l’assiette fiscale et en réduisant les impôts dus à l’État. C’est un jeu d’intérêts », souligne Egas Daniel.

Selon Borges Nhamirre, il appartient désormais au gouvernement mozambicain de présenter ses arguments à la table des négociations et de chercher à minimiser les impacts négatifs sur le Mozambique.

« Si le gouvernement cède, il sera encore plus affaibli, car désormais tous les termes ont déjà été annoncés publiquement », conclut Nhamirre.